Esquisser la réforme de l'État et du service public après les échéances de 2012. À la veille de la campagne présidentielle, c'est l'exercice auquel se sont prêtés pour Acteurs publics les principaux think tanks français. Toute la semaine, la rédaction publie leurs scénarios. La Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et son président Dominique Reynié (photo) démarrent notre série en appelant à poursuivre la RGPP.
> Pratiquer une RGPP plus rigoureuse
La contrainte budgétaire est absolument majeure. La situation a été contenue mais reste terriblement fragile. Après 2012, il faudra pratiquer une Révision générale des politiques publiques (RGPP) bien plus rigoureuse car le résultat final a été une économie modeste de 6 milliards d’euros. Reconduire le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est indispensable, mais il faut être plus inventif. Avec par exemple le “deux sur trois”, conditionné par le fait que sur ces deux postes supprimés, l’un soit remplacé par un contrat de droit privé.
> Externaliser avec des cahiers des charges strictes
Il ne doit pas y avoir a priori de missions réservées à l’État. Même celles considérées comme régaliennes peuvent être partagées avec le privé dans le cadre d’une réglementation stricte garantissant la qualité du service public. La justice, la police, l’armée sont probablement les champs les moins perméables au privé, sauf dans les parties les moins régaliennes de ces activités. L’externalisation avec un cahier des charges rigoureux peut être plus efficace pour les services publics que ce que l’État fait lui-même, dès lors que l’entreprise privée risque à tout moment de perdre le marché. Cela créera de la croissance et des emplois en grand nombre.
> Doubler le temps de présence des profs
Cessons d’être être dogmatiques. Il y a 100 000 professeurs de droit privé en France dans les établissements sous contrat. Ils ne suscitent pas le rejet des familles ni ne provoquent l’échec des élèves. Dans le cadre d’une autonomie de gestion et sur la base du volontariat d’établissement scolaire, chaque professeur pourrait effectuer deux fois plus de temps de présence et de cours, ce qui, schématiquement, réduirait le nombre de profs de moitié et permettrait de doubler leur salaire. Cela suppose d’organiser la vie des professeurs dans l’établissement, de mettre un bureau à leur disposition.
> Réduire le nombre de régions
Les pays les plus vertueux en termes de dépenses publiques sont beaucoup plus “décentralisateurs” que la France. Une nouvelle étape de la décentralisation dans notre pays doit combiner deux éléments. Premièrement, réduire le nombre des régions, ce qui implique la fusion de certaines d’entre elles. Deuxièmement, donner aux régions un pouvoir plus important pour la conduite de l’ensemble des politiques locales sur leur territoire. Avec plus de prérogatives dans l’enseignement supérieur, le développement économique et une coopération renforcée avec les départements en matière d’action sociale.
Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique : “163 milliards de dépenses de plus que l’Allemagne”
“Le contrat de droit privé pour les agents publics offre aux responsables politiques et à ceux qui les élisent la possibilité future de remodeler l’appareil d’État en fonction de leurs projets ou de leurs besoins. Toute personne recrutée aujourd’hui l’est pour soixante ans, en incluant la retraite. Dans quarante ans, les élus devront voter des budgets qui payeront les embauches décidées aujourd’hui. On n’a pas le droit de préempter à ce point la décision budgétaire et publique. En comparant la France à l’Allemagne, toutes proportions gardées, la France devrait avoir 3,8 millions de fonctionnaires au lieu de 5,3 millions. Si la France avait le même taux de dépenses publiques que l’Allemagne, elle économiserait chaque année 163 milliards d’euros, dégageant ainsi un excédent budgétaire substantiel…”
Retrouvez l'intervention de Dominique Reynié lors de la soirée des think tanks, aux Rencontres des acteurs publics