Depuis 2007, l'État a fortement accru le recours aux consultants privés dans ses réorganisations internes et ses recherches d'économies. Bercy a consacré plus de 102 millions d'euros à ces prestations, qui ont bénéficié à tous les ministères dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques.
C'est l'une des révélations du rapport très fouillé des députés François Cornut-Gentille (UMP) et Christian Eckert (PS) publié mi-décembre sur la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Dans une partie consacrée à la direction générale de la modernisation de l'État (DGME), le service chargé à Bercy d'accompagner les ministères dans leurs réorganisations, les parlementaires révèlent le détail des 111,64 millions d'euros versés par le ministère du Budget à des consultants privés entre 2006 et 2011 (voir le tableau ci-dessous). Une somme qui recouvre plus d'une centaine de missions dans 15 ministères, selon la DGME, soit une moyenne de quatre consultants mobilisés à temps plein par ministère chaque année.
Depuis 2007, quelque 102,31 millions d'euros ont été dépensés en prestations de conseils. Environ 20 millions d'euros ont servi aux réflexions préparatoires aux décisions de la RGPP. Cela a été le prix des fameuses équipes d'audit “mixtes” qui rassemblaient des hauts fonctionnaires issus des corps d'inspection et des auditeurs de cabinets privés. Pour les financer, la DGME a prolongé un marché public de 2006 remporté à l'époque par Capgemini et auquel se sont greffées d'autres sociétés de conseil.
Deux autres marchés publics ont été passés en novembre 2007 et janvier 2011 pour accompagner les ministères dans la mise en œuvre de la RGPP. Le premier marché, décomposé en trois lots, a donné lieu à une dépense de près de 70 millions d'euros étalée entre 2008 et 2011. Il a bénéficié à l'alliance formée par McKinsey et Accenture pour près de 39 millions d'euros, à celle entre Capgemini et BCG pour 15 millions d'euros et à Ernst & Young pour 15 millions d'euros. Le deuxième marché, qui comporte quatre lots, a profité aux consortiums de McKinsey et Accenture (5 millions d'euros), Roland Berger et Ineum (3,4 millions d'euros), Capgemini, BCG et Mazars (3,5 millions d'euros) et Bain & Company (860 000 euros).
21 millions d'euros par an
Au total, comme le soulignent les députés, la RGPP s'est accompagnée d'“un relèvement significatif de l'effort public consenti pour l'achat auprès de cabinets privés d'audit de prestations de services”. Les sommes versées chaque année aux consultants ont plus que doublé entre le marché de 2006 et celui de fin 2007. Elles sont passées de 9,45 millions d'euros par an de 2006 à 2008 à 21,3 millions d'euros entre 2008 et 2010. “Des sommes à comparer aux 15 milliards d'euros d'économies attendues de la RGPP”, commente François-Daniel Migeon, le directeur général de la modernisation de l'État. L'augmentation va-t-elle se poursuivre ? Non, à en croire les prévisions 2011, qui anticipent une dépense de près de 13 millions d'euros au titre du troisième marché. L'utilisation du plafond du marché permettrait néanmoins d'atteindre 22 millions d'euros par an dans les années à venir.
Plus volumineux et plus coûteux, le recours aux consultants privés est jugé utile par les patrons d'administration. “Globalement, les secrétaires généraux des ministères entendus par les rapporteurs se sont déclarés satisfaits de l'appui de la DGME, notamment via les prestations confiées aux cabinets privés d'audit, pour la mise en œuvre des mesures de la RGPP”, notent les députés. L'appui des prestataires privés a été particulièrement précieux au ministère de la Santé au moment de l'installation des agences régionales de santé (ARS) ou au ministère de l'Intérieur pour améliorer la productivité des préfectures.
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